Auteur-compositeur et guitariste, Oscar Jerome se trouve dans un endroit très différent de celui d'il y a quatre ans. Sur le point de sortir son troisième album solo, The Fork, Jerome s'appuie sur une accumulation d'expériences profondes, tissant des récits sophistiqués et nuancés dans le style de guitare lyrique qui l'a fait connaître au sein de la vibrante communauté musicale londonienne. « J'ai toujours remarqué que les périodes de ma vie où je traversais le plus d'épreuves étaient aussi celles où je créais le plus », explique-t-il. Ainsi, The Fork est son disque le plus personnel à ce jour, s'appuyant sur une écriture poétique et ses talents de producteur, qui remontent au début de sa vie musicale.
Grandissant à Norwich dans une famille créative où la musique et la nature étaient omniprésentes, Oscar Jerome a traversé son adolescence en écoutant toutes sortes de musiques – de Jimi Hendrix à Rage Against the Machine, en passant par le reggae et la jungle – jouant dans des groupes, créant des beats sur Cubase et apprenant à synthétiser ses influences pour créer un son hybride qui reste indubitablement le sien. « J'adore prendre des éléments de différentes choses, les mélanger et créer quelque chose de nouveau », dit-il, inspiré par le potentiel des échanges musicaux.
Étudiant au Trinity College of Music de Londres et contemporain de nombreux artistes de jazz britanniques, Jerome a complété sa formation technique en guitare jazz par une riche expérience de collaborations transgenres, où funk et hip-hop s'immisçaient dans des jams de jazz en sous-sol et où les pistes de danse vibraient aux rythmes du dub ou de l'afrobeat. En tant que membre du célèbre groupe Kokoroko, Jerome a fait ses armes sur des scènes de plus en plus grandes, en tournée mondiale, participant à l'écriture de leurs premières œuvres, dont la ballade emblématique Abusey Junction.
Bien que sa musique soit souvent associée aux instrumentistes de jazz qui l'entourent, Jerome a toujours suivi son propre chemin. Après la sortie de son premier EP éponyme en 2016, suivi de Where Are Your Branches? deux ans plus tard, puis de son LP Breathe Deep en 2020, Jerome a affiné un style articulé et centré sur la chanson, s'inspirant de sa passion pour la littérature. Lecteur assidu de poésie et de prose, allant de Go Tell It On The Mountain de James Baldwin à 40 Rules Of Love d'Elif Shafak, ses paroles naissent d'une écriture en flux de conscience, utilisant des métaphores pour exprimer des émotions difficiles à cerner avec des mots directs.
Cette nature introspective a donné naissance au concept de son album de 2022, The Spoon – une exploration profonde de soi et des reflets déformés que nous projetons dans le monde en quête de validation. Joué devant de grandes audiences, de Japon aux États-Unis, The Spoon a été acclamé, renforçant la réputation de Jerome. Pour lui, ce n'était cependant que le prélude à la prochaine étape de son évolution musicale et personnelle.
The Fork est le premier album entièrement produit par Jerome lui-même. Il s'agit d'une métaphore des décisions de vie importantes rencontrées comme à un carrefour. « Cet album parle de se confronter à soi-même », dit-il. « Lâcher prise sur l'ego, abandonner le contrôle que l'on essaie d'exercer sur soi-même, et s'ouvrir à une vision totalement différente du monde. »
Si ses propos semblent parfois abstraits, c'est parce que les émotions qui animent The Fork sont à la fois intimes et existentielles. Aussi influencé par les virtuoses de la guitare jazz comme Kenny Burrell et Wes Montgomery, Jerome s'inspire également cette fois des troubadours du cœur comme John Martyn et Joni Mitchell. En combinant des beats produits à un son de guitare rappelant Prince ou Carlos Santana, il explore un nouvel univers sonore.
Avec des collaborations choisies, dont Anaiis, Hak Baker et le poète MA.MOYO, The Fork s'articule autour de compositions épurées où des beats précis alimentent les ambiances feutrées de sa guitare. Les paroles, espacées, révèlent des épiphanies personnelles durement acquises et mettent en garde contre l'impact corrosif de la culture capitaliste sur notre capacité à l'empathie.
« Depuis tout jeune, j'ai ressenti une connexion à quelque chose de plus grand à travers la musique », confie-t-il. The Fork exprime l'inexprimable, revenant à sa connexion avec la nature. « Un accord ou une mélodie peuvent souvent en dire plus que des mots », conclut-il. En mûrissant, Oscar Jerome comprend que les explications comptent moins que l'amour rencontré sur le chemin.
